Pacifisme, non-violence, violence légitime et ses dérives
Rédacteur
Jean-Pierre Lancry
Résumé
Nos principes percutent l'actualité du monde.
On est pour la paix encore faut-il qu'elle soit juste pour être durable.
On est pour la résolution non-violente des conflits, encore faut-il avoir le temps et les décisions politiques pour la défense civile et citoyenne avant l'agression ?
Se défendre alors par la violence armée est légitime, encore faut-il mesurer les dérives possibles de vengeance, de justice expéditive, de crimes de guerre ...
Billet
Spontanément, nous sommes non violents et pour la paix.
Mais beaucoup de dictateurs affirment également qu'ils sont pour une paix durable... à leurs conditions.
Par exemple Poutine la conditionne au désarmement de l'Ukraine, au départ de Zelensky, une Ukraine amputée...
Pour lui la paix est un prétexte pour continuer la guerre, elle n'est donc pas juste et au contraire porteuse de conflits plus amples. Certains courants politiques réclament la paix et la diplomatie pour mieux cacher leur complaisance vis-à-vis de la Russie de Poutine. Une partie du mouvement non-violent laisse les mains libres aux pays agresseurs par refus de la défense armée ; au nom de la paix immédiate on détourne le regard (Munich 1938, Pétain), d'autres conflits armés voient les horreurs commis par les uns servant de justification aux horreurs commis par les autres, et réciproquement. Comment alors aller vers des solutions justes et durables ?
Il y a donc une défense armée légitime.Surtout si aucune mobilisation citoyenne, de formation à la défense civile n'a été portée précedemment par absence de volonté politique. Mais,fondamentalement, nous cherchons à développer la non-violence chaque fois que c'est possible comme en Inde, Afrique du sud, Danemark, Chiapas, Solidarnosc, Vaclav Havel...
Il y a beaucoup d'expériences historiques et contemporaines (les boycott des oranges Ouspan très efficace, les formes de lutte non violente de la jeunesse, Larzac, Sans Terre brésiliens...) qu'il faudrait faire mieux connaitre pour les dupliquer.La non-violence n'est pas la mollesse ni l'acceptation de l'injustice. Face à la culture viriliste et aux intérêts économiques des marchands d'armes, nous devons porter le désarmement nucléaire, le respect du droit international et des droits humains.
Face aux dictatures civiles et militaires, face aux agressions armées par un autre pays, face à la négation du droit des peuples à disposer d'eux mêmes, il est légitime de recourir éventuellement à la violence contre les biens et les militaires. Beaucoup de non-violents étaient responsables dans la résistance française. Mais ils prenaient bien garde de ne s'en prendre qu'aux installations stratégiques et à l'armée nazie.
Le recours à la violence est toujours un risque de s'isoler dans un affrontement anti-repressif avec l'Etat, trouvant des moyens troubles pour assurer sa survie matérielle et perdant les valeurs et le sens de la cause pour laquelle on s'est engagé. L'ETA par exemple (au-delà de ce que les uns et les autres peuvent en penser) sous la terrible dictature de Franco avait un énorme soutien populaire, notamment au Pays Basque. Et sous le coup de la répression et de l'évolution de la situation politique en Espagne, ceux qui ont continué sont devenus sans âme, ne luttant plus que pour leur survie ; nous pourrions prendre beaucoup d'autres exemples.
Soutenir des pays agressés ou des luttes de libération nationale ne doit donc pas nous empécher d'être lucide sur les organisations ou les pays en lutte. Y a t il un respect du pluralisme et de la diversitév? La société qui se profile sera-t-elle démocratique et inclusive ? Quelles alliances internationales ? Quel partage des richesses ?
Algérie, Cambodge, Tunisie, Iran, Nicaragua...combien de justes luttes ont finalement débouché sur d'autres formes de pouvoir autoritaire ?
Enfin il faut également être lucide sur les risques de la violence. Chez l'agresseur bien sûr, mais aussi, en proportion moindre chez l'agressé : vengeance, justice expéditive, traitement des prisonniers. Que cela relève d'individus ou plus largement. A la Libération en France, nous avons connu les "tondues"...
La fin ne justifie pas les moyens et l'arbre est dans la graine.