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"Rien n’est joué" par Jacques Lecomte

Rédacteur de la note de lecture Alain Caillé
Résumé Après "Le Monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez" Jacques Lecomte renchérit : "Rien n’est joué" car la science réfute les théories de l’effondrement ...
Commentaires et citations Note de lecture d'Alain Caillé parue dans les cahiers du Mauss :
Eh bien ! Voilà un sacré pavé dans la mare de tous les discours apocalyptiques, effondristes ou collapsologistes !
Remontant à la source de toutes les affirmations ou prévisions catastrophistes – la bombe démographique, la fin du pétrole, l‘épuisement des ressources minérales, l’accroissement inéluctable de la pollution, l’écroulement de la biodiversité et la « sixième extinction de masse » des espèces, l’annonce par l’ONU de 50 millions de réfugiés climatiques à brève échéance (abandonnée ensuite), la submersion prochaine des petites îles du Pacifique etc. -, Jacques Lecomte montre qu’à peu près rien de tout ceci ne tient.
Les études « scientifiques » mobilisées sont contestées par la quasi-totalité des spécialistes ou alors elles disent le contraire de ce qu’on leur fait dire.
La démonstration la plus spectaculaire peut-être concerne le Bengladesh (pp. 118 sq.). Loin que les terres reculent sous l’effet des inondations elles ont gagné 84 km² par an, entre 2008 et 2016 sous l‘effet des alluvions fluviales. Si les inondations récentes ont été catastrophiques c’est en raison du choix prescrit par l’ONU de construire des digues qui se sont révélées contre-productives. Là où on les abandonne les crues sont gérables et bénéfiques.
L’argumentaire de Jacques Lecomte est si serré et informé qu’on se laisse peu à peu convaincre que ceux qu‘il appelle les effondristes (campés en héritiers de Malthus), au premier rang desquels les collapsologues, relayés par les medias, ont peu à peu pris goût à jouer les prophètes de malheur. Mais pourquoi s’en prendre à eux en particulier et plus spécifiquement à Pablo Servigne ? On sent avec plaisir qu’il n’y a rien là de personnel (nothing personal). Non, le principal moteur de cette critique radicale est la certitude, longuement argumentée elle aussi, qu’on ne gagne rien, au contraire à laisser entendre que tout est foutu et qu’il n’y a plus rien à faire sauf se replier à la campagne avec quelques amis en attendant le pire.
On ne mobilisera pas les jeunes, déjà victimes d’une gigantesque crise d’éco-anxiétés en leur faisant croire qu’il n’y a pas d’avenir, mais au contraire, en leur montrant tout ce qu‘il est possible de faire (comme par exemple avec le film Demain). Une des raisons de l’échec sommes toutes assez massif des prévisions effondristes est qu’elles ont systématiquement ignoré toutes les actions (elles aussi détaillées) qui ont ou pourraient être mises en œuvre pour remédier aux désastres annoncés.
Reste donc à imaginer un avenir prometteur possible. L’auteur le voit dans le convivialisme (pp. 325-27). Mais Pablo Servigne, lui aussi, est cosignataire du Second manifeste convivialiste ! Voilà donc de belles discussions en perspective chez les convivialistes.
Qui seront peut-être plus fructueuses si l’on écarte le soupçon de climato-scepticisme qui pourrait planer sur le propos de J. Lecomte. Rien de tel chez lui, qui se réclame du GIEC, tout le GIEC, rien que le GIEC. Pour ma part, je suis plus sensible aux risques d’effondrement moral et politique. Mais c’est une autre histoire, intimement liée pourtant à celle qui est racontée ici ...
Les Arènes, 2023, 407 p., 22 €